Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/346

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évoquions les esprits. Toutes ces femmes étaient spirites. Je ne sais pas si Jeanne Lefuel qui, de ses propres mains, faisait effrontément tourner les tables, ne croyait pas elle-même aux esprits. La table était parfois lente à s’échauffer, mais elle finissait par se soulever. Comment eût-elle pu résister indéfiniment à la pression de tant de mains impatientes ? On interrogeait les esprits par la typtologie, c’est-à-dire en convenant avec eux soit de la valeur alphabétique, soit de la signification conventionnelle des coups frappés par la table. Un coup signifie a, deux coups b, trois coups c, etc. Et encore, un coup pour dire oui, deux coups pour dire non. Par ce moyen, les esprits nous faisaient des réponses dont quelques-unes n’avaient pas de sens, et ce n’étaient pas les plus mauvaises. Comme je me montrais surpris qu’ils se montrassent si bêtes, notre duègne, qui se nommait Thérèse Duflon, me fit une réponse assez raisonnable :

— Ce sont, dit-elle, les esprits des morts, et il ne suffit pas d’être mort pour avoir de l’esprit.

C’est ainsi que nous interrogeâmes vainement sur sa situation présente une cardeuse de