Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/348

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présent. Luce ne parlait guère et restait peu. On faisait observer qu’elle frappait des coups beaucoup plus légers que les autres esprits, et que ses rapides apparitions étaient bien dans le caractère d’un enfant. Rosemonde à force de recherches se mit en rapport, par le moyen de la typtologie, avec une tante de Luce. Et, entre autres questions qu’elle fit à cette dame défunte, elle lui demanda de qui Luce était fille. Mal satisfaite des réponses de la tante, la curieuse Rosemonde, qui avait fini par connaître plusieurs membres trépassés de la famille de la petite Luce, mena une enquête longue et confuse, sans parvenir à distinguer entre la mère et la grand’mère de l’enfant. Et sa curiosité ne fut pas mieux contentée que celle des érudits qui voulurent savoir de qui sortait cette petite Menou de la troupe de Molière.

Malgré les plaisanteries les plus libres, les fraudes les plus grossières et les mystifications les moins dissimulées, qui ne cessaient pas durant la danse des tables, ces femmes, dont quelques-unes avaient de l’esprit, croyaient à la présence des morts dans cette grande salle éclairée de trois bougies, où, comme Ulysse chez les Cimmériens, nous faisions la Nékuia,