Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/353

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ils sortent au jour de son étreinte les tendons froissés, mais le sang plus vif, les reins plus souples, les bras plus forts.

Ayant eu peu de part aux biens de ce monde, j’ai aimé la vie pour elle-même, je l’ai aimée sans voiles, dans sa nudité tour à tour terrible ou charmante.

La pauvreté garde à ceux qu’elle aime le seul bien véritable qu’il y ait au monde, le don qui fait la beauté des êtres et des choses, qui répand son charme et ses parfums sur la nature, le Désir.

« Elle est tout entière douloureuse la vie des hommes, et il n’est pas de trêve à nos souffrances. » Ainsi parle la nourrice de Phèdre et les soupirs de sa poitrine n’ont point été démentis. « Et pourtant, ajoute la vieille Crétoise, nous aimons cette vie, parce que ce qui la suit n’est que ténèbres sur lesquelles on a semé des fables. » On aime aussi la vie, la douloureuse vie, parce qu’on aime la douleur. Et comment ne l’aimerait-on pas ? elle ressemble à la joie, et parfois se confond avec elle.