Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/355

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blâme les troublent également quand ils sont divulgués. Mon père et ma mère me restaient. N’ayant que des louanges à leur donner, que des actions de grâces à leur rendre, pour les leur faire agréer, me fallait-il encore les leur offrir voilées.

Ils reposent depuis longtemps tous deux, côte à côte, sous une pierre moussue, au bord du bois qui ombragea leur paisible vieillesse. Et maintenant que les années dévastatrices ont roulé abondamment leur torrent sur mon enfance, et tout emporté, je craindrais encore de froisser, par malencontre, ma piété filiale en quelqu’une de ses fibres qui plongent si avant dans le passé.

Je devais donc en user comme j’ai fait ou ne point publier ces historiettes de mon vivant, selon l’usage ordinaire de ceux qui écrivent leur vie ou des parties de leur vie. J’oserai dire, en me parant d’une splendide impropriété de langage, que presque tous les mémoires sont des mémoires d’outre-tombe. Mais je n’ai pas dédié « mes enfances » à la postérité, ni supposé un moment que la race future pût s’intéresser à ces bagatelles. Je crois à présent que tous tant que nous sommes, grands et petits, nous