Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/360

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qui les feraient haïr ou mépriser et se montrent pour agir de manière à être approuvés ou admirés. J’ai rarement ouvert une porte par mégarde sans découvrir un spectacle qui me fît prendre l’humanité en pitié, en dégoût ou en horreur. Qu’y puis-je faire ? Ce n’est pas bon à dire, mais je ne puis me retenir.

Cette vérité que j’aime passionnément, lui ai-je été toujours fidèle ? Je m’en flattais tout à l’heure. Après mûre réflexion, je n’en jurerais pas. Il n’y a pas beaucoup d’art dans ces récits ; mais peut-être s’en est-il glissé quelque peu ; et qui dit art dit arrangement, dissimulation, mensonge.

C’est une question de savoir si le langage humain se prête parfaitement à l’expression de la vérité ; il est sorti du cri des animaux et il en garde les caractères ; il exprime les sentiments, les passions, les besoins, la joie et la douleur, la haine et l’amour. Il n’est pas fait pour dire la vérité. Elle n’est pas dans l’âme des bêtes sauvages : elle n’est point dans la nôtre, et les métaphysiciens qui en ont traité sont des lunatiques.

Tout ce que je peux dire c’est que j’ai été de bonne foi. Je le répète : j’aime la vérité. Je crois