Page:Anatole France - La Vie littéraire, III.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

va pas moins, selon M. Brunetière, que de l’avenir intellectuel de notre pays, et enfin le choix de mes complices, M. Jules Lemaître et M. Paul Desjardins étant dénoncés avec moi comme coupables de critique subjective et personnelle, et comme corrupteurs de la jeunesse. J’ai un goût ancien et toujours nouveau pour l’esprit de M. Jules Lemaître, pour son intelligence agile, sa poésie ailée et sa clarté charmante. M. Paul Desjardins m’intéresse par les belles lueurs tremblantes de sa sensibilité. Si j’étais le moins du monde habile, je me garderais bien de séparer ma cause de la leur. Mais la vérité me force à déclarer que je ne vois pas en quoi mes crimes sont leur crime et mes iniquités leur iniquité. M. Lemaître se dédouble avec une facilité merveilleuse ; il voit le pour et le contre, il se place successivement aux points de vue les plus opposés ; il a tour à tour les raffinements d’un esprit ingénieux et la bonne volonté d’un cœur simple. Il dialogue avec lui-même et fait parler l’un après l’autre les personnages les plus divers. Il a beaucoup exercé la faculté de comprendre. Il est humaniste et moderne.