Page:Anatole France - La Vie littéraire, III.djvu/19

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tendaient introduire les théories transformistes dans quelque canton de la psychologie ou de la sociologie. Il repoussait les idées darwiniennes au nom de la morale immuable.

« Ces idées, disait-il expressément, doivent être fausses, puisqu’elles sont dangereuses. » Et maintenant, il fonde la critique nouvelle sur l’hypothèse de l’évolution. « Notre projet, dit-il, n’est autre que d’emprunter de Darwin et de Hæckel le secours que M. Taine a emprunté de Geoffroy Saint-Hilaire et de Cuvier. » Je sais bien qu’autre chose est de professer, comme M. Sixte, l’irresponsabilité des criminels et l’indifférence absolue en matière de morale, autre chose est d’appliquer aux genres littéraires les lois qui président à l’évolution des espèces animales et végétales. Je ne dis pas du tout que M. Brunetière se démente et se contredise. Je marque un trait de sa nature, un tour de son caractère, qui est, avec beaucoup d’esprit de suite, de donner volontiers dans l’inattendu et dans l’imprévu. On a dit, un jour, qu’il était paradoxal, et il semblait bien que ce fût par antiphrase, tant sa réputation de bon raisonneur était solidement éta-