Page:Anatole France - La Vie littéraire, III.djvu/26

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physiciens sont obligés de compter avec ce qu’on nomme, dans les sciences d’observation, l’équation personnelle. Un phénomène n’est jamais perçu absolument de la même façon par deux observateurs.

M. Brunetière ne peut se dissimuler que l’équation personnelle ne se joue nulle part plus à son aise que dans les domaines prestigieux des arts et de la littérature.

Là jamais de consentement unanime ni d’opinion stable. Il en convient, ou du moins commence par en convenir : « Pour ne rien dire de nos contemporains, qu’il est convenu que nous ne voyons pas d’assez loin, ni d’assez haut, combien de jugements, combien divers, depuis trois ou quatre cents ans, les hommes n’ont-ils point portés sur un Corneille ou sur un Shakespeare, sur un Cervantes ou sur un Rabelais, sur un Raphaël eu sur un Michel-Ange ! De même qu’il n’y a point d’opinion extravagante ou absurde que n’ait soutenue quelque philosophe, de même il n’y en a pas de scandaleuse ou d’attentatoire au génie qui ne se puisse autoriser du nom de quelque critique. » Et pour prouver que les grands