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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/243

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BLAISE PASCAL ET JOSEPH BERTRAND.

Je le dis maintenant sans sourire, il a déployé dans l’examen des Provinciales les plus rares facultés d’analyse. Et il est visible après cela que les Petites lettres ne sont qu’une œuvre de parti. Ce n’est point que Pascal ait altéré les textes, dont il ne connaissait d’ailleurs que les extraits que ces messieurs lui donnaient : il n’avait rien lu. Ses citations, au contraire, ont été trouvées généralement exactes. Mais M. Bertrand nous montre qu’il eût rencontré dans saint Thomas beaucoup de décisions qu’il reproche aux jésuites. Ordinairement, il fait un grief à la Compagnie tout entière de ce qui appartient à un seul membre et a été parfois combattu par un autre. Enfin, il est homme de parti.

À la vérité, nous n’en doutions guère. Et il ne faudrait pas dire que M. Joseph Bertrand a montré la partialité de Louis de Montalte pour faire plaisir aux jésuites ; on risquerait fort de dire une sottise.

Ces querelles de la grâce sont aussi mortes que celles des réalistes et des nominaux. Les distinctions anciennes d’esprit et de doctrine ne subsistent plus dans le clergé, qui est devenu tout entier romain. Les jésuites d’aujourd’hui ne ressemblent point aux jésuites d’autrefois, ils ont peut-être une morale plus sévère ; ils sont, je le sais, moins polis. Je doute qu’ils s’inquiètent beaucoup de ce que Pascal a dit de leurs prédécesseurs oubliés.

D’ailleurs, M. Joseph Bertrand n’est pas le premier à montrer la partialité de Pascal. Dans un livre célèbre, qui date de 1768, vous trouverez sur les Provinciales le jugement que voici :