Aller au contenu

Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
LA VIE LITTÉRAIRE.

tune insolente, font de lui un victorieux et un formidable. »

Nul doute que César Borgia n’ait été un des plus habiles hommes de son temps.

Des témoignages irrécusables nous le montrent doux à ses peuples, attentif à ne point les surcharger d’impôts, et, en marche dans les campagnes à la tête de ses troupes, libéral pour tous ceux qui venaient au-devant de lui demander des grâces, solliciter sa générosité, réclamer la liberté de quelque parent prisonnier ou exilé, ou de quelque soldat réfractaire. César ne les rebutait jamais, tandis qu’il se montrait impitoyable pour les concussionnaires. Enfin, il était assez habile pour se montrer juste et humain quand il le fallait.

Il eut, avec l’âme la plus noire, une brillante et vaste intelligence. Irons-nous jusqu’à dire qu’il eut un grand génie ? Non, car, en définitive, il ne fonda rien et le démon dont il était possédé précipita furieusement la ruine de son œuvre et de sa vie. D’ailleurs, il est bon et consolant de se dire, avec un historien optimiste, que la puissance créatrice est toujours le partage de la grandeur morale.

Tout ce qu’on vient de lire n’est qu’une suite de notes prises sur le livre de M. Charles Yriarte, et par endroits je dois le dire, ces notes suivent le texte de très près.

Ce livre est aussi intéressant que possible. Il est visible que M. Charles Yriarte a pris beaucoup de plaisir à l’écrire. C’est un grand curieux que M. Charles Yriarte. Son histoire de César Borgia, très étudiée dans