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L’ARGENT

mencé : « J’y étudie, disait-il, les fortunes rapides nées du coup d’État, l’effroyable gâchis financier qui a suivi, les appétits lâchés dans les jouissances, les scandales mondains, etc… Je crois tout naïvement à un succès, car je soigne l’œuvre avec amour et je tâche de lui donner une exactitude extrême et un relief saisissant. » Cette lettre a été analysée sous le No 110 dans le catalogue d’autographes dressé après la mort de M. Louis Ulbach. La Curée ne parut qu’après la chute de l’Empire, mais il est hors de doute que le livre fut écrit sous le régime qui y est violemment attaqué. Si j’insiste sur ce fait, c’est qu’il a été plusieurs fois contesté et que M. Zola a intérêt à ce qu’il soit établi.

En 1871, M. Zola inaugura la publication de ses romans cycliques, et l’événement a prouvé qu’alors les longs espoirs et les vastes pensées lui étaient permis, puisque enfin le cycle est aujourd’hui presque achevé, non sans quelques disparates, à la vérité. Le premier roman, la Fortune des Rougon, est précédé d’une préface qui expose le but de l’œuvre. « Je veux expliquer, y dit M. Zola, comment une famille se comporte dans une société, en s’épanouissant pour donner naissance à dix, à vingt individus qui paraissent, au premier coup d’œil, parfaitement dissemblables, mais que l’analyse montre intimement liés les uns aux autres. » Et il ajoute : « L’hérédité a ses lois, comme la pesanteur. » On n’en peut douter. Mais les lois de la pesanteur ont été réduites en formules et celles de l’hérédité sont encore très mal connues. Les ascendants transmettent aux descendants le type de l’espèce. C’est une vérité qu’il n’y a pas besoin de démontrer. Les ascendants transmettent en outre aux descendants quelques parti-