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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/110

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voyez ces vieilles tours, ces arbres, ce ciel ; comme les personnages des contes et des chansons populaires sont naturellement sortis de tout cela ! Voici là-bas le sentier par lequel le petit Chaperon rouge alla au bois cueillir des noisettes. Ce ciel changeant et toujours à demi voilé fut sillonné par les chars des fées, et la tour du Nord a pu cacher jadis sous son toit pointu la vieille filandière dont le fuseau piqua la Belle au bois dormant.

Je songeais encore à ces gracieuses paroles, pendant que M. Paul me racontait, à travers les bouffées d’un cigare capiteux, je ne sais quel procès intenté par lui à la commune au sujet d’une prise d’eau. Madame de Gabry, sentant la fraîcheur du soir la gagner, frissonna sous le châle que son mari lui avait jeté sur les épaules, et nous quitta pour gagner sa chambre. Je résolus alors, au lieu de monter dans la mienne, de retourner dans la bibliothèque pour continuer l’examen des manuscrits. Malgré l’opposition de M. Paul, j’entrai dans ce que j’appellerai, en vieux langage, « la librairie », et je me mis au travail, à la lumière de la lampe.

Après avoir lu quinze pages, évidemment