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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/235

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quelques poètes du XVIe siècle que des banquiers disputeraient à des princes. Et je crois que ces Heures de Simon Vostre ne passeraient point inaperçues à l’hôtel Silvestre, non plus que ces Preces piæ à l’usage de la reine Claude. J’ai pris soin de réunir et de conserver tous ces exemplaires rares et curieux qui peuplent la cité des livres, et j’ai cru longtemps qu’ils étaient aussi nécessaires à ma vie que l’air et la lumière. Je les ai bien aimés, et aujourd’hui encore je ne puis m’empêcher de leur sourire et de les caresser. Ces maroquins sont si plaisants à l’œil et ces vélins si doux au toucher ! Il n’est pas un seul de ces livres qui ne soit digne, par quelque mérite singulier, de l’estime d’un galant homme. Quel autre possesseur saura les priser comme il faut ? Sais-je seulement si un nouveau propriétaire ne les laissera pas périr dans l’abandon, ou ne les mutilera pas par un caprice d’ignorant ? Dans quelles mains tombera cet incomparable exemplaire de l’Histoire de l’abbaye de Saint-Germain des Prés, aux marges duquel l’auteur lui-même, dom Jacques Bouillard, mit de sa main des notes substantielles ?… Maître Bonnard, tu es un vieux fou. Ta gouvernante,