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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/287

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M. de Gabry bourra silencieusement sa pipe et l’alluma avec tant de lenteur que son bon et large visage resta pendant trois ou quatre minutes rouge comme celui d’un forgeron au feu de sa forge. Puis :

— Vous me demandez que faire : ne faites rien, mon cher monsieur Bonnard. Pour l’amour de Dieu et dans votre intérêt, ne faites rien du tout. Vos affaires sont assez mauvaises ; ne vous en mêlez plus, de peur d’un nouveau dommage. Mais promettez-moi de répondre de tout ce que je ferai. J’irai dès demain matin voir monsieur Mouche, et s’il est ce que nous croyons, c’est-à-dire un fieffé gredin, je trouverai bien, quand le diable s’en mêlerait, un moyen de le rendre inoffensif. Car tout dépend de lui. Comme il est trop tard ce soir pour reconduire mademoiselle Jeanne à son pensionnat, ma femme gardera cette nuit la jeune fille auprès d’elle. Cela constitue bel et bien le délit de complicité, mais nous ôtons ainsi tout caractère équivoque à la situation de la jeune fille. Quant à vous, cher monsieur, retournez vivement au quai Malaquais, et si l’on vient y chercher Jeanne, il vous sera facile de prouver qu’elle n’est pas chez vous.