Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/312

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un art et on n’y réussit que par l’imagination.

M. Gélis me rappelle en ce moment certain jeune fou que j’entendis un certain jour discourir à tort et à travers dans le jardin du Luxembourg, sous la statue de Marguerite de Navarre. Mais à un tournant de la conversation, nous nous rencontrons nez à nez avec Walter-Scott, à qui mon jeune dédaigneux trouve un air rococo, troubadour et « dessus de pendule ». Ce sont ses propres expressions.

— Mais, dis-je, en m’échauffant pour la défense du père magnifique de Lucy et de la jolie fille de Perth, tout le passé vit dans ses admirables romans ; c’est de l’histoire, c’est de l’épopée !

— C’est de la friperie, me répond Gélis.

Et croiriez-vous que cet enfant insensé m’affirme qu’on ne peut, si savant qu’on soit, se figurer précisément comment les hommes vivaient il y a cinq ou dix siècles, puisque ce n’est qu’à grand’peine qu’on se les figure à peu près comme ils étaient il y a dix ou quinze ans ? Pour lui le poème historique, le roman historique, la peinture d’histoire sont des genres abominablement faux !

— Dans tous les arts, ajoute-t-il, l’artiste ne