Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/33

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ver quelques inscriptions mises à découvert par les ouvriers. Je ne me trompais pas. L’architecte me montra gracieusement une pierre qu’il avait fait poser de champ, contre le mur. Je m’agenouillai pour voir l’inscription gravée sur cette pierre, et c’est à mi-voix, dans l’ombre de la vieille abside, que je lus ces mots qui me firent battre le cœur :

Cy gist Alexandre, moyne de ceste église, qui fist mettre en argent le menton de saint Vincent et de saint Amant et le pié des Innocens ; qui toujours en son vivant fut preud’homme et vayllant. Priez pour l’ame de lui.

J’essuyai doucement avec mon mouchoir la poussière qui souillait cette dalle funéraire ; j’aurais voulu la baiser.

— C’est lui, c’est Alexandre ! m’écriai-je et, du haut des voûtes, ce nom retomba sur ma tête avec fracas, comme brisé.

La face grave et muette du suisse, que je vis s’avançant vers moi, me fit honte de mon enthousiasme, et je m’enfuis à travers les deux goupillons croisés sur ma poitrine par deux rats d’église rivaux.

Pourtant c’était bien mon Alexandre ! plus de