Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/73

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Il ajouta avec des sanglots.

— Mon fils Rafaël, le fils de ma pauvre femme, dont je pleure depuis quinze ans la mort, Rafaël, Excellence, il a voulu s’établir à Paris ; il a loué une boutique rue Laffitte pour y vendre des curiosités. Je lui ai donné tout ce que je possédais de précieux, je lui ai donné mes plus belles majoliques, mes plus belles faïences d’Urbino, mes tableaux de maître, et quels tableaux, signor ! Ils m’éblouissent encore quand je les revois en imagination ! Et tous signés ! Enfin, je lui ai donné le manuscrit de la Légende dorée. Je lui aurais donné ma chair et mon sang. Un fils unique ! le fils de ma pauvre sainte femme.

— Ainsi, dis-je, pendant que, sur votre foi, monsieur, j’allais chercher dans le fond de la Sicile le manuscrit du clerc Alexandre, ce manuscrit était exposé dans une vitrine de la rue Laffitte, à quinze cents mètres de chez moi !

— Il y était, c’est positif, me répondit M. Polizzi, soudainement rasséréné, et il y est encore, du moins je le souhaite, Excellence.

Il prit sur une tablette une carte qu’il m’offrit en me disant :

— Voici l’adresse de mon fils. Faites-la con-