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Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/110

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Mais, depuis Pézenas, l’évêque d’Aleth a fait du chemin dans l’âme pécheresse. « Il y a ici des comédiens, écrit le prince à l’abbé de Ciron, qui portoient mon nom autrefois. Je leur ai fait dire de le quitter, et vous croyez bien que je n’ai eu garde de les aller voir. »

Tout n’est qu’heur et malheur dans la vie. La troupe répudiée, s’étant rendue à Dijon, y retrouva son premier protecteur, le duc d’Épernon, alors gouverneur de Bourgogne. De Dijon, elle retourna dans le midi de la France et donna des représentations à Avignon. Dans cette ville, Molière rencontra le peintre Mignard, qui revenait de Rome, et se lia d’amitié avec lui.

Les comédiens passèrent à Grenoble le carnaval de 1658. C’est alors que les amis de Molière (il en avait déjà de puissants) lui conseillèrent de se rapprocher de Paris. Il vint après Pâques s’établir à Rouen, pour donner à ceux qui lui voulaient du bien le temps et le moyen de l’introduire à la cour. En vue de son établissement à Paris, il fit secrètement quelque séjour dans cette ville. Madeleine Béjart travaillait dans le même dessein. Le 12 juillet 1658, un acte fut passé à Rouen entre elle et le comte Louis de Talhouet, par lequel celui-ci lui cédait son bail de location du jeu de paume des Marais, à Paris, avec toutes ses loges et décorations de théâtre. Dans cet acte, la Béjart déclare élire domicile à Paris, « en la maison de M. Poquelin, tapissier, valet de chambre du roi[1] ». C’est



  1. Voir dans le Moliériste de janvier 1886 le texte complet de cet acte découvert par M. Ch. Robillard de Beaurepaire.