Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/174

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Salpêtrière. Le Régent, qui n’avait pas de préjugés, voulut entendre à son aise ces choses-là et fit venir au Palais-Royal les comédiens de la foire.

Après tout, je ne vois pas pourquoi on rit des maris trompés ni de tout ce qui concerne le petit train conjugal, mais je vois encore moins pourquoi on n’en rirait pas. Il faut bien croire qu’il y a dans l’animal humain un fond de ridicule. C’est même là sa plus incontestable supériorité sur les bêtes.

Voltaire imprima que Gil Blas était traduit de l’espagnol. Il le croyait sans doute, et l’on ne saurait penser qu’il le dit pour se venger d’un méchant calembour d’Arlequin qui, ramassant un livre sur les planches, s’écrie : « Je prends mon vol terre à terre (mon Voltaire à terre). » Mais Voltaire a pu se tromper, et l’on n’a jamais montré l’original espagnol de Gil Blas.

Ce n’est pas assez pour vivre en honnête bourgeois que de faire parler Scaramouche et Cassandre. Le Sage vieillissant traduit, imite, combine. Il donne Roland amoureux de 1717 à 1721, Guzman d’Alfarache et les Avantures de M. Robert, dit Beauchesne, en 1732. Dès ce moment le public devine qu’il se fatigue. Un curieux écrit en janvier 1733 sur le journal qu’il tient :

« Le Sage, auteur de Gil Blas, vient de donner la vie de M. de Beauchesne, capitaine de flibustiers. Ce livre ne sauroit être mal écrit, étant de Le Sage, mais il est aisé de s’apercevoir, par les matières que cet auteur traite depuis quelque temps, qu’il ne travaille que pour vivre et qu’il n’est plus le maître, par conséquent, de donner à ses ouvrages du temps et de