Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/89

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ne s’emploie plus que dans son acception particulière ou détournée, il est d’un sage écrivain de rendre à ce mot toute l’étendue, toute l’ampleur de sa signification première. C’est ce que fit Racine quand il restitua au mot de reliques son sens général de reste, alors que ce mot, confiné dans le langage de la dévotion, ne s’appliquait plus qu’à la cendre et aux ossements vénérés des saints.

Ils s’arrestent, non loin de ces tombeaux antiques Où des rois ses a}reux sont les froides reliques.

(Phèdre, acte v, scène vi.)

« Ce mot de reliques est beau et sonore, écrivit André Chénier en marge de son exemplaire des poésies de Malherbe. Racine, qui connaissait les véritables richesses et qui ne les laissait point échapper, l’a mis en usage deux fois. »

Ce que Racine fit pour reliques, La Fontaine le fit avec un égal bonheur pour hostie. Ce mot, qui veut dire victime, avait fini par ne plus s’appliquer qu’à la victime par excellence, à Jésus-Christ, offert aux hommes sous l’espèce du pain. Notre poète restaura ce beau terme :

Du céleste courroux tous furent les hosties.

(Phïlémon et Beaucis.)

Hostie est ici synonyme de victime. Mais victime aurait un caractère de moins d’éclat, serait moins rare et ferait un moins beau vers.

Un excellent écrivain peut donner, au contraire, au sens de certains mots une extension nouvelle et trou-