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LE JARDIN D'ÉPICURE

longtemps prosterné sur la pierre, et, levant ses yeux brûlés de larmes, voit devant lui la reine de Saba, qui les bras ouverts, lui sourit dans sa robe d’or, on frémit, on tremble qu’il ne succombe, on suit avec angoisse le spectacle de son trouble et de sa détresse.

Nous nous reconnaissons tous en lui et, quand il a triomphé, nous nous associons tous à son triomphe. C’est celui de l’humanité tout entière dans sa lutte éternelle. Saint-Antoine n’est un grand saint que parce qu’il a résisté à la reine de Saba. Or, il faut bien le reconnaître, en lui envoyant cette belle dame qui cache son pied fourchu sous une longue robe brodée de perles, le diable fit une besogne nécessaire à la sainteté de l’ermite.