Page:Anatole France - Le Jardin d’Épicure.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
LE JARDIN D'ÉPICURE

l’épaule. Je reconnus l’ingénieux Ulysse. De ses joues creuses pendait une barbe décolorée. Je l’entendis soupirer d’une voix éteinte :

« J’ai faim. Je ne vois plus clair et mon âme est comme une lourde fumée errant dans les ténèbres. Qui me fera boire du sang noir, pour qu’il me souvienne encore de mes navires peints de vermillon, de ma femme irréprochable et de ma mère ? »

En entendant ce discours, je compris que j’étais transporté dans les Enfers. Je tâchai de m’y diriger de mon mieux, d’après les descriptions des poètes, et je m’acheminai vers une prairie où luisait une faible et douce lumière. Après une demi-heure de marche, je rencontrai des