Page:Anatole France - Le Jardin d’Épicure.djvu/33

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poche leurs dés et leurs cornets et se mirent à jouer. Voilà une histoire plus vraie que la vérité. Chaque joueur est un de ces matelots-là. Et certes, il y a dans le jeu quelque chose qui remue terriblement toutes les fibres des audacieux. Ce n’est pas une volupté médiocre que de tenter le sort. Ce n’est pas un plaisir sans ivresse que de goûter en une seconde des mois, des années, toute une vie de crainte et d’espérance. Je n’avais pas dix ans quand M. Grépinet, mon professeur de neuvième, nous lut en classe la fable de l’Homme et le Génie. Pourtant je me la rappelle mieux que si je l’avais entendue hier. Un génie donne à un enfant un peloton de fil et lui dit : « Ce fil est celui de tes jours. Prends-le.