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LE JARDIN D’ÉPICURE

misère et la honte ; c’est pourquoi on l’adore.

L’attrait du danger est au fond de toutes les grandes passions. Il n’y a pas de volupté sans vertige. Le plaisir mêlé de peur enivre. Et quoi de plus terrible que le jeu ? Il donne, il prend ; ses raisons ne sont point nos raisons. Il est muet, aveugle et sourd. Il peut tout. C’est un dieu.

C’est un dieu. Il a ses dévots et ses saints qui l’aiment pour lui-même, non pour ce qu’il promet, et qui l’adorent quand il les frappe. S’il les dépouille cruellement, ils en imputent la faute à eux-mêmes, non à lui :

« J’ai mal joué », disent-ils.

Ils s’accusent et ne blasphèment pas.