Page:Anatole France - Le Jardin d’Épicure.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devons la pitié, nous lui devons le courage, nous lui devons toutes les vertus. La terre n’est qu’un grain de sable dans le désert infini des mondes. Mais, si l’on ne souffre que sur la terre, elle est plus grande que tout le reste du monde. Que dis-je ? elle est tout, et le reste n’est rien. Car, ailleurs, il n’y a ni vertu ni génie. Qu’est-ce que le génie, sinon l’art de charmer la souffrance ? C’est sur le sentiment seul que la morale repose naturellement. De très grands esprits ont nourri, je le sais, d’autres espérances. Renan s’abandonnait volontiers en souriant au rêve d’une morale scientifique. Il avait dans la science une confiance à peu près illimitée. Il croyait qu’elle changerait le monde, parce qu’elle perce les