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LE JARDIN D'ÉPICURE

c’est dans l’absolue ignorance de notre raison d’être qu’est la racine de notre tristesse et de nos dégoûts. Le mal physique et le mal moral, les misères de l’âme et des sens, le bonheur des méchants, l’humiliation du juste, tout cela serait encore supportable si l’on en concevait l’ordre et l’économie et si l’on y devinait une providence. Le croyant se réjouit de ses ulcères ; il a pour agréables les injustices et les violences de ses ennemis ; ses fautes même et ses crimes ne lui ôtent pas l’espérance. Mais, dans un monde où toute illumination de la foi est éteinte, le mal et la douleur perdent jusqu’à leur signification et n’apparaissent plus que comme des plaisanteries odieuses et des farces sinistres.