Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/117

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mauvaise à tes enfants. Ils travaillèrent à leur tour à la rendre meilleure. Tous, ils ont mis la main aux arts : l’un inventa la meule, l’autre la roue. Ils se sont tous ingéniés, et l’effort continu de tant d’esprits à travers les âges a produit des merveilles qui maintenant embellissent la vie. Et, chaque fois qu’ils inventaient un art ou fondaient une industrie, ils faisaient naître par cela même des beautés morales et créaient des vertus. Ils donnèrent des voiles à la femme, et les hommes connurent le prix de la beauté.

Ici, mon père posa sur son bureau la dent préhistorique et il embrassa ma mère.

Il parlait encore. Il disait :

— Ainsi nous leur devons tout, à ces ancêtres, tout et même l’amour !

Je voulus toucher cette dent qui avait inspiré à mon père des paroles que je ne comprenais pas. Je m’approchai du bureau pour la saisir. Mais, au bruit que firent mes grelots, mon père tourna la tête de mon côté, me regarda gravement et dit :

— Tout beau ! la tâche n’est pas finie ; nous serions moins généreux que les hommes des