Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ciance et de leur espièglerie. Je les jugeai bien endurcis.

Je vis, par contre, que mademoiselle Lefort était profondément triste. Ses yeux bleus étaient humides et ses lèvres entr’ouvertes.

De pâles boucles à l’anglaise pendaient le long de ses joues, comme au bord des eaux les branches mélancoliques des saules. Elle regardait sans voir et semblait perdue dans un rêve.

La douceur de cette demoiselle affligée et la gaieté des enfants m’inspirèrent de la confiance ; à la pensée que j’allais partager le sort de plusieurs petites filles, peu à peu, toutes mes craintes s’évanouirent.

Mademoiselle Lefort, m’ayant donné une ardoise avec un crayon, me fit asseoir à côté d’un garçon de mon âge qui avait les yeux vifs et l’air fin.

— Je m’appelle Fontanet, me dit-il, et toi ?

Puis il me demanda ce que faisait mon père. Je lui dis qu’il était médecin.

— Le mien est avocat, répondit Fontanet ; c’est mieux.