Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

voûte assombrie. Au fond du chœur, la Vierge peinte s’effaçait dans le vague d’une apparition. L’autel était chargé de vases dorés, pleins de fleurs ; une odeur d’encens flottait dans l’air ; on entrevoyait confusément mille choses, et l’ennui, l’ennui même, ce grand mal des enfants, prenait une teinte douce dans l’atmosphère de cette chapelle. Il me semblait que, du côté de l’autel, elle touchait au paradis.

Le jour était tombé. Tout à coup je vis M. l’abbé Jubal s’avancer avec une lanterne jusqu’au chœur. Il fit une génuflexion profonde, puis, ouvrant la grille, il monta les degrés de l’autel. Je l’observais : il défit un paquet d’où sortirent des guirlandes de fleurs artificielles, qui ressemblaient à ces thyrses de cerises qu’au mois de juillet de vieilles femmes nous vendaient dans les rues. Et je m’émerveillai de voir mon professeur s’approcher de l’Immaculée Conception. Vous mîtes une pincée de pointes dans votre bouche, monsieur l’abbé ; je craignis d’abord que ce ne fût pour les avaler, mais c’était pour les tenir à portée de votre main. Car vous montâtes sur un escabeau et vous commençâtes à clouer les guir-