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Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/174

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Ma manière était bonne pour moi ; elle ne vaudrait rien pour un autre. Je me garderais bien de la recommander à personne.

Au reste, je dois vous confesser que, nourri d’Homère et de Sophocle, je manquais de goût quand j’entrai en rhétorique. C’est mon professeur qui me le déclara, et je le crois volontiers. Le goût qu’on a ou qu’on montre à dix-sept ans est rarement bon. Pour améliorer le mien, mon professeur de rhétorique me recommanda l’étude attentive des œuvres complètes de Casimir Delavigne. Je ne suivis point sa recommandation. Sophocle m’avait fait prendre un certain pli que je ne pus défaire. Ce professeur de rhétorique ne me paraissait point et ne me paraît point encore un fin lettré ; mais il avait, avec un esprit chagrin, un caractère droit et une âme fière. S’il nous enseigna quelques hérésies littéraires, il nous montra du moins, par son exemple, ce que c’est qu’un honnête homme.

Cette science a bien son prix. M. Charron était respecté de tous ses élèves. Car les enfants apprécient avec une parfaite justesse la valeur morale de leurs maîtres. Ce que je pen-