Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/252

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Un tel repos sur le sein de la grande et calme nourrice dura trois mois, trois mois pleins de riantes images et pendant lesquels beaucoup de pain bis fut mangé. Et je vis revenir, dans les premiers jours d’octobre, un petit Pierre nouveau, régénéré ; un petit Pierre bruni, doré, cuit, presque joufflu, les mains noires, la voix grosse et le rire gros.

— Regardez mon Pierre, il est affreux, disait la maman joyeuse ; il a les couleurs d’un bébé à vingt-neuf sous !

Mais elles ne durèrent pas, ces couleurs. Bébé pâlit, redevint nerveux, délicat, avec quelque chose de trop rare et de trop fin. Paris reprenait son influence. Je veux dire le Paris spirituel, qui n’est nulle part et qui est partout, le Paris qui inspire le goût et l’esprit, qui trouble, qui fait qu’on s’ingénie, même quand on est tout petit.

Et voilà Pierre de nouveau blêmissant et rougissant sur des images. Vers la fin de décembre, je le trouvai nerveux avec des yeux énormes et de petites mains sèches. Il dormait mal et ne voulait plus manger.

Le médecin disait :