Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/27

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tableau à horloge qui représentait une montagne au bord de la mer avec une église, sous un ciel bleu. Et quand l’heure sonnait, un navire s’agitait sur les flots, une locomotive avec ses voitures sortait d’un tunnel et un ballon s’élevait dans les airs. Mais, quand l’âme est triste, rien ne peut lui sourire. D’ailleurs, le tableau à horloge restait immobile. Il paraît que la locomotive, le navire et le ballon ne partaient que toutes les heures, et c’est long, une heure ! Du moins, ce l’était en ce temps-là. Par bonheur, la cuisinière vint chercher quelque chose dans le buffet et, me voyant tout triste, me donna des confitures qui charmèrent les peines de mon cœur. Mais, quand je n’eus plus de confitures, je retombai dans le chagrin. Bien que le tableau à horloge n’eût pas encore sonné, je me figurais que des heures et des heures s’amoncelaient sur ma triste solitude. Par moments, il me venait de la chambre voisine quelques éclats de la voix du monsieur ; il suppliait la dame en blanc, puis il semblait en colère contre elle. C’était bien fait. Mais n’en finiraient-ils donc jamais ? Je m’aplatis le nez contre les vitres, je tirai des crins aux