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Les conteurs refont le monde à leur manière et ils donnent aux faibles, aux simples, aux petits, l’occasion de le refaire à la leur. Aussi ont-ils l’influence la plus sympathique. Ils aident à imaginer, à sentir, à aimer.

Et ne craignez point qu’ils trompent l’enfant en peuplant son esprit de nains ou de fées. L’enfant sait bien que la vie n’a point de ces apparitions charmantes. C’est votre science amusante qui le trompe ; c’est elle qui sème des erreurs difficiles à corriger. Les petits garçons qui n’ont point de défiance se figurent, sur la foi de M. Verne, qu’on va en obus dans la lune et qu’un organisme peut se soustraire sans dommage aux lois de la pesanteur.

Ces caricatures de la noble science des espaces célestes, de l’antique et vénérable astronomie sont sans vérité comme sans beauté.

Quel profit tirent les enfants d’une science sans méthode, d’une littérature faussement pratique qui ne parle ni à l’intelligence ni au sentiment ?

Il faudrait en revenir aux belles légendes, à la poésie des poètes et des peuples, à tout ce qui donne le frisson du beau.