Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/74

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Puis, se tournant vers mon père :

— Vous l’avez entendu, mon ami ; à sept ans il veut être célèbre !

— Chère amie, répondit mon père, vous verrez qu’à vingt ans, il sera dégoûté de la gloire.

— Dieu le veuille ! dit ma mère ; je n’aime point les vaniteux.

Dieu l’a voulu et mon père ne se trompait pas. Comme le roi d’Yvetot, je vis fort bien sans gloire et n’ai plus la moindre envie de graver le nom de Pierre Nozière dans la mémoire des hommes.

Toutefois, quand maintenant je me promène, avec mon cortège de souvenirs lointains, dans ce Jardin des Plantes, bien attristé et abandonné, il me prend une incompréhensible envie de conter aux amis inconnus le rêve que je fis jadis d’y vivre en anachorète, comme si ce rêve d’enfant pouvait, en se mêlant aux pensées d’autrui, y faire passer la douceur d’un sourire.

C’est aussi pour moi une question de savoir si vraiment j’ai bien fait de renoncer dès l’âge de six ans à la vie militaire ; car le fait est que