Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/141

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blance de quelque personne à elle connue. Le matin, au palais Ricardi, sur les seules fresques de Benozzo Gozzoli, elle avait reconnu M. Garain, M. Lagrange, M. Schmoll, la princesse Seniavine en page et M. Renan à cheval. M. Renan, elle s’effrayait elle-même de le retrouver partout. Elle ramenait toutes les idées à son petit cercle d’académiciens et de gens du monde, par un tour facile, qui agaçait son amie. Elle rappelait avec une voix douce les séances publiques de l’Institut, les cours de la Sorbonne, les soirées où brillaient les philosophes spiritualistes et mondains. Quant aux femmes, elles étaient toutes, à son avis, charmantes et irréprochables. Elle dînait chez toutes. Et Thérèse songeait : « Elle est trop prudente, la bonne madame Marmet. Elle m’ennuie ». Et elle méditait de la laisser à Fiesole et d’aller seule visiter les églises. Employant, au dedans d’elle-même, un mot que Le Ménil lui avait appris, elle se disait :

— Je vais semer madame Marmet.

Un vieillard svelte entra dans le salon. Ses moustaches cirées et sa barbiche blanche lui donnaient l’apparence d’un vieux militaire. Mais son regard trahissait, sous les lunettes, cette douceur fine des yeux usés dans la science et dans la volupté. C’était un florentin, ami de