Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

louanges qui lui fissent plus de plaisir. Elle savait qu’elle s’habillait très bien, avec un goût hardi et sûr. Mais aucun homme, excepté son père, ne lui avait fait à ce sujet les compliments d’un connaisseur. Elle croyait les hommes capables seulement de sentir l’effet d’une toilette, sans en comprendre les détails ingénieux. Quelques-uns, qui avaient l’intelligence du chiffon, la dégoûtaient par un air efféminé et des goûts équivoques. Elle se résignait à ne voir apprécier les élégances de sa mise que par des femmes, qui y apportaient un esprit petit, de la malveillance et de l’envie. L’admiration artiste et mâle de Dechartre la surprit et lui plut. Elle reçut agréablement les louanges qu’il lui donnait, sans songer à les trouver trop intimes et presque indiscrètes.

— Alors, vous regardez les toilettes, monsieur Dechartre ?

Non, il n’en regardait guère. On voyait si peu de femmes bien habillées, même en ce temps, où les femmes s’habillent aussi bien et mieux que jamais ! Il ne prenait pas plaisir à voir marcher des paquets. Mais qu’une femme passât devant lui ayant le rythme et la ligne, il l’en bénissait.

Il poursuivit, d’une voix un peu plus élevée :

— Je ne puis songer à une femme qui prend