Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/162

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Elle se regarda une dernière fois dans la glace et descendit au jardin.

Dans le jardin, planté d’ifs comme un cimetière heureux, Dechartre disait des vers de Dante en regardant Florence : « À l’heure où notre esprit, plus étranger à la chair… »

Près de lui, Choulette, assis sur la balustrade de la terrasse, les jambes pendantes et le nez dans sa barbe, sculptait la figure de la Misère sur son bâton de vagabond.

Et Dechartre reprenait les rimes de la cantique : « À l’heure où notre esprit, plus étranger à la chair et moins obsédé de pensées, est presque divin dans ses visions… »

Elle venait, le long des buis taillés, sous son ombrelle, dans sa robe couleur de maïs. Le fin soleil d’hiver l’enveloppait d’or pâle.

Dechartre mit de la joie dans le bonjour qu’il lui donna.

Elle lui dit :

— Vous récitez des vers que je ne connais pas. Je ne connais que Métastase. Mon professeur d’italien aimait beaucoup Métastase et n’aimait que lui. Quelle est cette heure où l’esprit est divin dans ses visions ?

— Madame, c’est l’aube du jour. Ce peut être aussi l’aube de la foi et de l’amour.

Choulette doutait que le poète eût voulu