Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/18

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— Madame, ce n’était pas immoral, non, mais c’était cruel.

— Cher monsieur, je vais peut-être vous choquer, mais s’il fallait absolument choisir, j’aimerais mieux faire une chose immorale qu’une chose cruelle.

Un homme jeune, grand, maigre, le visage brun, coupé d’une longue moustache, entra, salua avec une brusque souplesse.

— Monsieur Vence, je crois que vous connaissez M. Le Ménil.

En effet, ils s’étaient déjà trouvés ensemble chez madame Martin et se voyaient quelquefois à la salle d’armes, où Le Ménil était assidu. La veille encore, ils s’étaient rencontrés chez madame Meillan.

— Madame Meillan, voilà une maison où l’on s’ennuie, dit Paul Vence.

— Pourtant on y reçoit des académiciens, dit M. Le Ménil. Je ne m’exagère pas leur valeur, mais c’est en somme une élite.

Madame Martin sourit :

— Nous savons, monsieur Le Ménil, que chez Madame Meillan vous vous êtes occupé des femmes plus que des académiciens. Vous avez conduit la princesse Seniavine au buffet et vous lui avez parlé de loups.

— Comment ? de loups ?