Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/217

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ne raisonnez pas tout à fait juste, c’est que vous vous donnez un plaisir de virtuose. Oh ! darling, vous avez beaucoup de raison et de jugement. Et je viens vous demander un conseil.

Surprise et un peu inquiète, Thérèse se défendit d’avoir de la raison. Elle s’en défendit avec sincérité. Mais Vivian ne l’écouta pas.

— J’ai beaucoup lu François Rabelais, my love. C’est dans Rabelais et dans Villon que j’ai appris le français. Ils sont de vieux bons maîtres de langage. Mais, darling, connaissez-vous le Pantagruel ? Oh ! le Pantagruel est une belle et noble ville pleine de palais, dans l’aube resplendissante, avant que les balayeurs soient passés. Oh ! non, darling, les balayeurs n’ont pas enlevé les ordures, et les filles de service n’ont pas lavé les parvis de marbre. Et j’ai vu que les dames françaises ne lisaient pas le Pantagruel. Vous ne le connaissez pas ? Non ? Oh ! ce n’est pas nécessaire. Dans le Pantagruel, Panurge demande s’il doit se marier, et il se couvre de ridicule, my love. Eh bien, moi, je suis tout aussi risible que lui, puisque je vous fais la même question.

Thérèse répondit avec un malaise qu’elle ne cachait pas :

— Oh ! pour cela, chérie, ne me demandez rien. Je vous ai déjà dit mon avis.