Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/259

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— Qu’est-ce que vous avez à me dire ? c’est à vous à parler, ce n’est pas à moi. Je n’ai pas, moi, d’explications à vous donner. Je n’ai pas à me justifier d’une trahison.

— Mon ami, ne soyez pas cruel, ne soyez pas ingrat envers le passé. Voilà ce que j’avais à vous dire. Et j’ai encore à vous dire que je vous quitte avec la tristesse d’une véritable amie.

— C’est tout ? Allez le répéter à l’autre, cela l’intéressera plus que moi.

— Vous m’avez appelée, je suis venue ; ne me le faites pas regretter.

— Je suis fâché de vous avoir dérangée. Vous pouviez sans doute mieux occuper votre journée. Je ne vous retiens pas. Allez le rejoindre, vous en mourez d’envie.

À la pensée que ces pauvres et misérables paroles qu’elle entendait exprimaient un moment de l’éternelle douleur humaine, et que la tragédie en avait illustré de pareilles, elle eut une impression de tristesse mêlée d’ironie, que trahit un pli de ses lèvres. Il crut qu’elle riait.

— Ne riez pas, et écoutez-moi. Avant-hier, dans la chambre d’hôtel, j’ai voulu vous tuer. J’ai été si près de le faire que, maintenant, je sais ce que c’est. Aussi je ne le ferai pas. Vous pouvez être bien tranquille. D’ailleurs, à quoi bon ? Comme je tiens, pour moi-même, à observer les