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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/263

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doré. Les filles blanches et bleues des confréries accompagnaient les bannières peintes. Puis venaient un petit Saint Jean, blond, frisé, tout nu sous la toison d’agneau qui lui découvrait les bras et les épaules, et une Sainte Marie-Madeleine de sept ans, dans la robe d’or de ses cheveux crépelés. Les gens de Fiesole suivaient en foule. La comtesse Martin reconnut Choulette au milieu d’eux. Un cierge d’une main, son livre de l’autre, des lunettes bleues au bout du nez, il chantait ; des lueurs fauves tremblaient aux angles de sa face camuse et sur les bosses de son crâne tourmenté. Sa barbe sauvage se relevait et s’abaissait au rythme du cantique. Sous la dureté des ombres et des lumières qui lui travaillaient le visage, il avait l’air vieux et robuste comme ces solitaires capables d’accomplir un siècle de pénitence.

— Qu’il est beau ! dit Thérèse. Il se donne en spectacle à lui-même. C’est un grand artiste.

— Oh ! darling, pourquoi voulez-vous que M. Choulette ne soit pas un homme pieux ? Pourquoi ? Il y a beaucoup de joie et de beauté à croire. Cela, les poètes le savent. Si M. Choulette n’avait pas la foi, il ne ferait pas les admirables vers qu’il fait.

— Et vous, chérie, est-ce que vous avez la foi ?

— Oh ! oui, je crois en Dieu et à la parole de Christ.