Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/265

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sans, à qui il enseignait la joie et l’innocence, l’avènement de Jésus-Christ, et l’abolition prochaine de l’impôt et du service militaire. À l’issue de la procession, il avait réuni des vagabonds dans les ruines du théâtre romain, et leur avait fait, en langage macaronique mêlé de français et de toscan, un sermon qu’il se plut à refaire :

— Les rois, les sénateurs et les juges ont dit : « La vie des peuples est en nous. » Or, ils mentent et ils sont le cercueil qui dit : « Je suis le berceau. »

» La vie des peuples est dans les moissons des campagnes qui jaunissent sous le regard du Seigneur. Elle est dans les vignes suspendues aux ormeaux, et dans le sourire et les larmes dont le ciel baigne les fruits des arbres, aux clos des vergers.

» Elle n’est pas dans les lois, qui sont faites par les riches et les puissants, pour la conservation de la puissance et de la richesse.

» Les chefs des royaumes et des républiques ont mis dans leurs livres que le droit des gens est le droit de guerre. Et ils ont glorifié la violence. Et ils rendent des honneurs aux conquérants, et ils élèvent sur les places publiques des statues à l’homme et au cheval victorieux. Mais le droit n’est pas de tuer : c’est pourquoi le juste ne tirera pas de l’urne son numéro à la conscrip-