Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/273

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jour de sa bienvenue et qu’elle lui avait cette fois offert, il demeurait assailli d’images pénibles, tandis qu’elle, penchée sur l’un des bras, l’enveloppait de son corps tiède et de son âme aimante. Elle devinait trop bien ce dont il souffrait pour le lui demander simplement.

Afin de le ramener aux douces idées, elle rappela les secrets de la chambre où ils étaient, et le souvenir de leurs promenades à travers la ville. Elle trouvait des familiarités gracieuses.

— La petite cuiller que vous m’avez donnée sous les Lanzi, la petite cuiller au lys rouge, je m’en sers pour prendre mon thé du matin. Et, au plaisir que j’ai de la voir à mon réveil, je sens combien je t’aime.

Puis, comme il ne répondait qu’en paroles tristes et voilées, elle lui dit :

— Je suis là, près de vous, et vous ne vous souciez pas de moi. Vous êtes occupé d’une idée que je ne sais pas. Pourtant j’existe, et une idée, ce n’est rien.

— Une idée, ce n’est rien. Croyez-vous ? On est heureux ou misérable d’une idée ; on vit, on meurt d’une idée. Eh bien, oui, je songe…

— À quoi songez-vous ?

— Pourquoi me le demander ? Vous le savez bien, je songe à ce que j’ai appris hier soir, et que vous m’aviez caché. Je songe à la rencontre