Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/284

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le Grand Prix, donner deux ou trois dîners, suivis de réceptions. Son groupe était porté par l’opinion. Le flot le poussait ; et Garain estimait que le salon de la comtesse Martin pouvait exercer une influence excellente sur l’avenir du pays. Ces raisons la touchaient peu, mais elle se sentait maintenant de la bienveillance pour son mari et désirait plutôt lui être agréable. Elle avait reçu l’avant-veille une lettre de son père. M. Montessuy, sans entrer dans les vues politiques de son gendre et sans donner de conseils à sa fille, faisait entendre qu’on commençait à parler dans le monde du séjour mystérieux de la comtesse Martin à Florence, parmi des poètes et des artistes, et que la villa des Cloches prenait, de loin, un air de fantaisie sentimentale. Elle-même se sentait observée de trop près, dans ce petit monde de Fiesole. Madame Marmet la gênait, le prince Albertinelli l’inquiétait dans sa nouvelle vie. Les rendez-vous au pavillon de la via Alfieri devenaient difficiles et dangereux. Le professeur Arrighi, que le prince fréquentait, l’avait rencontrée, un soir, tandis qu’elle allait par les rues désertes, blottie au côté de Dechartre. Le professeur Arrighi, auteur d’un traité d’agriculture, était le plus aimable des sages. Il avait détourné son beau visage héroïque, à moustache blanche, et dit seulement, le lendemain, à la jeune femme : « Autrefois, je devinais