Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/317

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demie. Elle craignait de faire scandale. Mais c’était le jour de la grande interpellation. Son mari ne vint de la Chambre qu’à neuf heures, avec Garain. Ils dînèrent tous deux en veston. Ils avaient sauvé le ministère.

Puis elle devint songeuse.

— Quand la chambre sera en vacances, mon ami, je n’aurai plus de prétexte pour rester à Paris. Déjà mon père ne comprend pas du tout le dévouement qui me retient ici. Dans huit jours, il faudra que j’aille le rejoindre à Dinard. Qu’est-ce que je deviendrai sans toi ?

Elle joignit les mains et le regarda avec une tristesse infiniment tendre. Mais lui, plus sombre :

— C’est moi, Thérèse, c’est moi qui dois me demander avec inquiétude ce que je deviendrai sans toi. Quand tu me laisses seul, je suis assailli de pensées douloureuses ; les idées noires viennent s’asseoir en cercle autour de moi.

Elle lui demanda quelles idées c’était.

Il répondit :

— Ma bien-aimée, je te l’ai déjà dit : il faut que je t’oublie toi-même en toi. Quand tu seras partie, ton souvenir viendra me tourmenter. Il faut bien que je paie le bonheur que tu me donnes.