Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/338

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à un siège sénatorial devenu vacant par la mort d’un vieillard qui fut, dit-on, général durant sa vie illusoire. Je vais consulter à cet égard des prêtres, des femmes, des enfants, — ô sagesse éternelle ! — boulevard Bineau. Le collège dont je briguerai les suffrages se trouve dans une terre ondulée et boisée, où des saules étêtés bordent les champs. Et il n’est pas rare de trouver au creux d’un de ces vieux saules le squelette d’un chouan, pressant encore son fusil et son chapelet entre ses doigts décharnés. Je ferai coller ma profession de foi sur l’écorce des chênes ; on y lira : « Paix aux presbytères ! Vienne le jour où les évêques, ayant aux mains la crosse de bois, se feront semblables au plus pauvre desservant de la plus pauvre paroisse ! Ce sont les évêques qui ont crucifié Jésus-Christ. Ils se nommaient Anne et Caïphe. Et ils gardent encore ces noms devant le Fils de Dieu. Or, tandis qu’ils l’attachaient à la croix, j’étais le bon larron pendu à son côté ».

Il leva son bâton vers Neuilly :

— Dechartre, mon ami, ne pensez-vous pas que le boulevard Bineau poudroie là-bas, à droite ?

— Adieu, monsieur Choulette, dit Thérèse. Ne m’oubliez pas quand vous serez sénateur.

— Madame, je ne vous oublie en aucune de