Aller au contenu

Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/401

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dans ce temps-là, elle était jetée, seule, dans un monde horriblement banal. Cela s’était fait, elle avait cédé. Mais tout de suite elle avait regretté. Oh ! s’il savait la tristesse morne de sa vie, il ne serait pas jaloux, il la plaindrait.

Elle secoua la tête, et, le regardant à travers les mèches défaites de ses cheveux :

— Mais je te parle d’une autre femme. Je n’ai rien de commun avec cette femme-là. Moi, je n’existe que depuis que je t’ai connu, depuis que j’ai été à toi.

Il s’était mis à marcher dans la chambre, d’un pas fou, comme tout à l’heure sur la berge de la Seine. Il éclata d’un rire douloureux :

— Oui, mais, pendant que tu m’aimais, l’autre femme, celle qui n’était pas toi ?

Elle le regarda, indignée :

— Tu peux croire…

— Vous ne l’avez pas revu à Florence, vous ne l’avez pas reconduit à la gare ?

Elle lui dit comment il était venu la retrouver en Italie, qu’elle l’avait vu, qu’elle avait rompu, qu’il était parti irrité et que, depuis, il cherchait à la reprendre, mais qu’elle n’y avait pas même fait attention.

— Mon ami, je ne vois, je ne sais que toi au monde.

Il secoua la tête.