Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/6

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— Comment va M. Martin-Bellème ? Toujours occupé ?

Thérèse croyait qu’il était à la Chambre, et même qu’il y faisait un discours.

La princesse Seniavine, qui mangeait des sandwichs au caviar, demanda à madame Martin pourquoi elle n’était pas venue hier chez madame Meillan. On avait joué la comédie.

— Une pièce scandinave. Est-ce que c’était réussi ?

— Oui. Je ne sais pas. J’étais dans le petit salon vert, sous le portrait du duc d’Orléans. M. Le Ménil est venu à moi et il m’a rendu un de ces services qu’on n’oublie pas. Il m’a sauvé de M. Garain.

Le général qui avait la pratique des annuaires et emmagasinait dans sa grosse tête tous les renseignements utiles, dressa l’oreille à ce nom.

— Garain, demanda-t-il, le ministre qui faisait partie du cabinet lors de l’exil des princes ?

— Lui-même. Je lui plaisais excessivement. Il me parlait des besoins de son cœur et me regardait avec une tendresse effrayante. Et de temps en temps, il contemplait en soupirant le portrait du duc d’Orléans. Je lui ai dit : « Monsieur Garain, vous confondez. C’est ma belle-sœur qui est orléaniste. Je ne le suis pas du tout, moi. » À ce moment, M. Le Ménil est venu me