Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/81

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Il l’avait reconnue et il la saluait. C’était Dechartre. Elle crut voir, en passant devant lui, qu’il était heureux de cette rencontre ; elle le remercia d’un sourire. Il lui demanda la permission de faire quelques pas avec elle. Et ils entrèrent ensemble dans le large espace que remplissait l’air vif. En cet endroit les hautes maisons reculent, s’effacent et découvrent une partie du ciel.

Il lui dit qu’il l’avait reconnue de loin au rythme de ses lignes et de ses mouvements, qui était bien à elle.

— Les beaux mouvements, ajouta-t-il, c’est la musique des yeux.

Elle répondit qu’elle aimait beaucoup la marche ; que c’était son plaisir et sa santé.

Lui aussi se plaisait aux longues courses à pied dans les villes populeuses et dans les belles campagnes. Le mystère des grands chemins le tentait. Il aimait les voyages : bien que devenus maintenant communs et faciles, ils gardaient pour lui leur charme puissant. Il avait vu des jours dorés et des nuits transparentes, la Grèce, l’Égypte, et le Bosphore. Mais c’est à l’Italie qu’il revenait toujours comme à la patrie de son âme.

— J’y vais la semaine prochaine, dit-il. Je veux revoir Ravenne endormie dans les pins noirs du rivage stérile. Êtes-vous allée à Ravenne, madame ? C’est une tombe enchantée, où paraissent des