Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/94

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aux maisons penchantes. Vous savez que Maria est la sainte et la martyre qui expie les péchés du peuple. Il tira le pied de biche graissé par deux siècles de visiteurs. Soit que la martyre se trouvât chez le marchand de vin où elle était familière, soit qu’elle fût occupée dans sa chambre, elle n’ouvrit pas. Choulette sonna longtemps, et si fort que le pied de biche avec le cordon lui resta dans la main. Habile à concevoir les symboles et à pénétrer le sens caché des choses, il comprit tout de suite que ce cordon ne s’était pas détaché sans la permission des puissances spirituelles. Il le médita. Le chanvre était couvert d’une crasse noire et gluante. Il s’en fit une ceinture et connut qu’il était choisi pour ramener à la pureté première le tiers ordre de Saint-François. Il renonça à la beauté des femmes, aux délices de la poésie, aux éclats de la gloire, et il étudia la vie et la doctrine du bienheureux. Cependant il a vendu à son éditeur un livre intitulé les Blandices, qui renferme, dit-il, la description de toutes les sortes d’amours. Il se flatte de s’y être montré criminel avec quelque élégance. Mais, loin de contrarier ses entreprises mystiques, ce livre les favorise en ce sens que, corrigé par un ouvrage ultérieur, il deviendra très honnête et exemplaire, et parce que l’or, il dit même « les ors », qu’il a reçus